Colline sud
Hommage à Maurice E. Müller 100e anniversaire
Maurice E. Müller et ses artistes
Maurice E. Müller le réalisateur d’utopies
L’« orthopédiste du XXe siècle » qu’était Maurice E. Müller fut maintes fois distingué du titre de docteur honoris causa. Se reposer sur ses lauriers lui avait toujours paru suspect. C’est pourquoi, lorsqu’il cessa ses activités de médecin, il se chercha un nouveau défi : rien de moins que la réalisation d’une utopie, le rêve d’un musée d’un genre fondamentalement nouveau. Rêver d’un musée nouveau était très en vogue dans les années 1990. Tout le monde parlait à l’époque du Centre Guggenheim sur pilotis que Frank Gehry devait construire dans le port de Manhattan et qui devait unir tous les secteurs de la culture aux autres types d’équipement présents sur le site – terrains de sport, complexes de loisir et centres commerciaux. Maurice E. Müller bannit les composantes « douteuses » inhérentes à la démesure du projet Guggenheim et choisit de dédier à Paul Klee, pour lequel il nourrissait une passion née de sa fréquentation de la minutieuse documentation sur ses oeuvres, un centre de culture et d’évènement à la mesure de ses nombreux talents. Il lui associa, fondé sur les théories de sa fille Janine Aebi-Müller, un musée pour les enfants s’inscrivant dans une démarche de didactique artistique totalement inédite. Le Zentrum Paul Klee est à ce jour la seule réalisation de l’une des utopies de musée les plus éblouissantes du XXe siècle.
Maurice E. Müller – l’ami des artistes
Dans tous les domaines qui occupèrent son existence, Maurice E. Müller se montra toujours à la fois stratège et homme de terrain ; et il aimait épater son public par ses tours de magie. Doté d’une prodigieuse rationalité, il n’en possédait pas moins des dons exceptionnels d’imagination, de légèreté, de goût du jeu et de créativité artistiques. Des sculpteurs, qui s’intéressaient comme lui à la question de la fonctionnalité tridimensionnelle, il fut l’ami idéal.
Hans Erni
Portrait Maurice Müller, 1981, fusain sur papier, collection privée
Hans Erni compte parmi les grands dessinateurs de l’art suisse du XXe siècle. Il avait un trait extrêmement fougueux et précis. Ce portrait témoigne de son impressionnante capacité à saisir en quelques lignes rapidement esquissées aussi bien les caractéristiques physiques que l’état psychique de son ami Maurice E. Müller.
Rolf Brem
Buste Maurice Müller, 1991, plâtre patiné, collection privée
L’art classique du portrait en sculpture ambitionne d’atteindre à une expression intemporelle. Rolf Brem s’inscrit dans cette tradition mais il a toujours fondé son travail sur les impressions impressionnistes de l’instant qui confèrent à ses portraits spontanéité, immédiateté et réalisme. Le portrait de son ami Maurice E. Müller est un brillant exemple du réalisme sculptural de Brem.
Jean Tinguely
Sans titre, 1988, assemblage, acier, os humain, moteur électrique, collection privée
Avec ses sculptures cinétiques en ferraille, Jean Tinguely est l’une des figures majeures du Nouveau Réalisme et du pop art. Maurice E. Müller se lia d’amitié avec Jeannot, comme l’appelaient ses amis, dès les années 1960. La sculpture de Tinguely de 1988 Sans Titre est l’expression de cette amitié. L’artiste s’y est inspiré de l’étrange cadeau que lui fit un fossoyeur : un fémur fracturé qui s’est ressoudé de travers, qu’il a associé dans une danse macabre aux inventions orthopédiques de Müller.
Oscar Wiggli
Sculpture, sans an, acier forgé, collection privée
Sculpture 117 C, 2000, acier forgé, hauteur : 130 cm, anciennement collection Martha et Maurice E. Müller, collection privée
Originaire de Muriaux, Oscar Wiggli est un sculpteur de fer forgé qui métamorphose l’acier en formes organiques corporelles en tension. C’était l’artiste préféré de Martha Müller. Pour son époux, Wiggli était, comme lui, un magicien. Délester de sa lourdeur une masse d’acier de plusieurs tonnes, l’empreindre au marteau de la sensualité de formes féminines et ainsi lui insuffler la vie était pour l’orthopédiste un reflet de son propre idéal de médecin.
Yves Dana
Sans titre, 1995, technique mixte sur papier, 160 x 120 cm, anciennement collection Martha et Maurice E. Müller, collection privée
Stèle XXIV, 2000, bronze, 240 x 52 x 30 cm, anciennement collection Martha et Maurice E. Müller, collection privée
L’artiste Yves Dana, natif de la ville égyptienne d’Alexandrie, fut une révélation pour Maurice E. Müller parce qu’il traite dans son oeuvre de situations transitoires, d’articulations et de charnières. Dana trouve ses sources d’inspiration dans l’Égypte des pharaons dont il reformule dans ses stèles abstraites les statues hiératiques et les architectures de temple.
Janine Aebi-Müller
Inside out, 2017, bronze, 62 x 27 x 27 cm, collection privée
La sculptrice Janine Aebi-Müller partage avec son père une
prédilection pour les développements formels en trois dimensions. Les articulations de l’orthopédiste sont des objets techniques fonctionnels de haute précision. Dans ses sculptures en bronze, conçues comme des oeuvres d’art concrètes autonomes, sa fille met en scène la beauté d’une perfection sculpturale tout aussi admirable.
Christine Aebi-Ochsner
Stations, 1998, technique mixte sur papier, 98 x 78 cm, anciennement collection Martha et Maurice E. Müller
Miniatures éthiopiques, 1988, encre de Chine et aquarelle sur papier, 46 x 34 cm, anciennement collection Martha et Maurice E. Müller, collection privée
Savoir découvrir chez un interlocuteur, chez un autre être humain, dans un artefact, et dans la nature en général, ses propres sensations subjectives, ses convictions ou des correspondances biographiques est un signe de curiosité créatrice et de facultés d’empathie qui le sont tout autant. Ce sont de semblables dispositions qui ont porté Maurice E. Müller à s’intéresser à l’art de façon approfondie. Les feuilles exposées ici de Christine Aebi-Ochsner, artiste et médecin, sont le produit d’une accumulation de chevauchements biographiques réciproques d’expériences partagées dans les hôpitaux de l’ancienne Abyssinie.