Zentrum Paul Klee Berne Fondée par Maurice E. et Martha Müller et les héritiers de Paul Klee
26.01.2008 - 27.04.2008

Genèse. L’art de créer

Prologue à A l'est d'Eden. Le jardin s'expose. Le concept de «Genèse» et le thème de la création sont fondamentaux dans l’art et la pensée de Paul Klee: l’artiste est lui-même un créateur et la naissance de l’œuvre une genèse. Dans ses écrits, Paul Klee s’est également exprimé sur le rapport entre sciences et beaux-arts. Il travaille en outre selon une systématique comparable à celle du scientifique: après une étude minutieuse des structures naturelles ou géométriques, il les transpose, suivant des règles spécifiques, dans son médium (le dessin ou la peinture).

Le projet repose sur une collaboration avec le Centraal Museum d’Utrecht, au Pays-Bas, mais le concept a été spécifiquement développé pour le Zentrum Paul Klee. En partant des travaux présentés à Utrecht, dans le cadre de «Genesis», l’exposition bernoise ouvre une nouvelle perspective: la parenté méthodique entre les avant-gardes de l’art et la recherche génétique. Les deux domaines montrent des lignes de développement identiques. Au commencement se trouve la rupture avec les modèles dépassés de l’orthodoxie; l’Homo novus considère le monde d’un œil neuf. De ces recherches naissent de nouvelles théories, qui tendent à se figer en principes. La vie étant trop complexe à la fois pour les codes de la science et pour les Ismes de l’art, ces nouveaux principes sont remis en question. Les artistes, comme les scientifiques, cherchent de nouvelles voies pour ouvrir leurs systèmes devenus hermétiques, pour revenir au chaos originel et pour trouver de nouvelles possibilités d’approcher la complexité de la condition humaine.

L’exposition

Le visiteur est invité à découvrir le développement des sciences de la vie et l’intérêt artistique pour la génétique moderne sur un mode novateur: se côtoieront des œuvres d’art et des pièces scientifiques, procédant de la même méthode de travail. Parallélisme et interaction dans les pratiques artistiques et scientifiques seront mis en évidence; le processus de création, porteur de résultats et propre aux deux genres, occupe le centre de l’exposition. «Genèse», «Analyse», «Code», «Jeu» et «Chaos» constituent les cinq sections thématiques pour la mise en scène de l’exposition. Ils réunissent le côté artistique et scientifique de la génétique et de la création. Les pièces exposées – tableaux, installations interactives, installations lumineuses, projections vidéo,  films d’animation, photographies et sculptures d’artistes de renommée internationale tels Mona Hatoum, Ross Bleckner, Mark Francis, Chuck Close, Piet Mondrian, Paul Klee, Marcel Duchamp, Dieter Roth ou Mark Dion –  présentent dans et avec leur diversité les principaux résultats de la recherche des vingtième et vingt-et-unième siècles et les placent dans un contexte artistique, qui témoigne de l’importance dans la société, de la portée émotionnelle et de l’immuable actualité politique de cette thématique.

Les cinq champs thématiques: 1. Genèse: la création avant la découverte du gène

Des illustrations bibliques et appartenant à l’histoire de la médecine illustreront les différentes représentations de la création de l’homme depuis l’antiquité. Le concept «Genèse» n’est cependant pas uniquement en rapport avec la création de l’homme, mais désigne dans l’art également la création des formes. Des concepts de Paul Klee, Joseph Beuys et Rudolf Steiner exemplifieront cet aspect. L’installation de Mona Hatoums Corps étranger sert de transition avec le champ suivant: une caméra endoscopique a permis à l’artiste de sonder la surface de son corps avant de plonger dans son labyrinthe intérieur.

2. Analyse: la définition de la plus petite unité vivante – la cellule

La curiosité a toujours été le moteur de toute analyse. Le scientifique a sondé l’intérieur de l’être humain pour comprendre sa constitution. Au début du XIXe siècle, la plus petite unité vivante de l’homme et des plantes – la cellule – est définie. L’association entre les représentations scientifiques de la structure de la cellule et des œuvres de Ross Bleckner, Mark Francis ou Jasper Johns révèle les parallèles esthétiques entre l’art et la science. En même temps, les notes et les dessins de Paul Klee, comme l’analyse d’un mètre de Marcel Duchamps dans Trois Stoppages étalon montrent les similitudes dans la méthode d’analyse de l’unité.

3. Code: la découverte et le déchiffrement du code génétique

En 1953, Francis Crick et James Watson identifient le DNA comme une structure en forme de double hélice. Diverses représentations du DNA en sciences et leur intégration dans les œuvres de Dennis Ashbaugh ou de Jaq Chartier démontrent la parenté iconographique. En 1957, Francis Crick formule le «principe fondamental» de la génétique: «l’ADN produit de l’ARN qui produit une protéine» – en d’autres termes: les gènes engendrent des êtres vivants et déterminent leurs caractéristiques. Cela a soulevé de nouvelles questions quant à l’identité de l’individu, comme «si le code est déchiffré, suis-je donc «reproduisible»?» Des portraits de Chuck Close, les portraits ADN de Marc Quinn, Gary Schneider, Thomas Kovachevich ou Larry Miller permettront d’aborder cette question. La découverte du code génétique aurait été impensable sans le développement de l’encodage informatique. Des oeuvres de diverses époques et réalisées dans divers médias montrent l’importance de l’encodage pour l’art également: des œuvres de Piet Mondrian, l’alphabet de tampons Mundunculum par Dieter Roth, ou encore l’installation d’Eduardo Kac Genesis.

4. Jeu: le développement de nouvelles formes sur la base du code déchiffré

Le développement des techniques de clonage permet la manipulation génétique. Les documentaires de science fiction réalisé par Floris Kaayk traitent sur le mode de l’ironie des nouvelles possibilités de la technologie génétique, qui soulèvent à la fois peurs et espoirs. Le motif traditionnel des chimères vit une renaissance. Les représentations de chimères exprimaient jusqu’alors les forces incontrôlables de la nature au cours de l’évolution et témoignaient ainsi de la victoire de la nature sur l’homme. Aujourd’hui, elles traitent paradoxalement du contraire, à savoir la victoire de l’homme sur la nature. Elles représentent en même temps les visions futuristes du nouvel homme. Les représentations de chimères de diverses époques démontrent l’actualité permanente du sujet pour l’art et pour la science.

5. Chaos: la remise en question du dogme.

La réalité se montre plus complexe que le dogme central des sciences de la vie. Afin de pénétrer les secrets de la vie et de comprendre les processus vitaux, les scientifiques cherchent par conséquent de nouvelles voies à examiner. Kathleen Rogers met en scène dans son installation Tremor des expériences réalisées sur des poissons zèbre (Danio rerio). Il est intéressant de relever que la cellule fait à nouveau l’objet de manipulation. Le laboratoire d’un bio technicien, fidèlement cloné par Mark Dion pour l’exposition, ne renvoie pas seulement au locus operandi du chercheur, mais encore symboliquement au «chaos», qui subsiste malgré le déchiffrement du code génétique.