Zentrum Paul Klee Berne Fondée par Maurice E. et Martha Müller et les héritiers de Paul Klee
Expositions 14/02/15—12/01/16

Klee à Berne

Après une grande carrière en Allemagne, entre autres comme enseignant au Bauhaus, Paul Klee se vit forcé, à cause des développements politiques et puisqu’il était considéré comme un artiste maudit, de rentrer dans sa ville natale de Berne en 1933. C’est ici qu‘il créa son oeuvre tardif hors pair.

L’exposition donne une vue d’ensemble de l’oeuvre artistique de Klee et marque des temps d’arrêt sur les motifs bernois, les collectionneurs bernois et les expositions les plus importantes de Berne. De plus, vous verrez l’influence que Klee a eu sur les artistes bernois. Le dernier atelier de Paul Klee au Kistlerweg 6 à Berne sera reconstruit et permettra un aperçu authentique du cadre de travail étonnamment modeste d’un des artistes les plus célèbres du XXe siècle.

Vues de Berne
Encore lycéen, Klee remplissait ses carnets de croquis de vues de la ville et de paysages suisses, d’après des reproductions trouvées dans des calendriers. Plus tard, il dessinait en pleine nature, lors de balades et de randonnées dans l’Oberland bernois; elles pouvaient le mener jusqu’à Lucerne ou Lugano. Des parents de Klee possédaient un hôtel à Beatenberg, où il séjournait régulièrement; il profitait de l’occasion pour crayonner la vue grandiose. À Berne il aimait se rendre au Dählhölzliwald, un chemin de randonnée non loin de la ville, et au parc de l’Elfenau, pour se promener le long de l’Aare. À plusieurs reprises, il dessina aussi la ville de Berne: la Tour de l’Horloge (Zytgloggeturm), la cathédrale ou des vues de la vieille ville depuis la roseraie (Rosengarten). En 1909 et 1910, il créa différentes vues du quartier de la Matte à Berne en expérimentant la déformation et la distanciation du sujet. Il aimait passer du temps à peindre et à dessiner dans la carrière d’Ostermundigen, dont il connaissait l’exploitant, Alfred Bürgi.

La famille Klee
Paul Klee est né le 18 décembre 1879 à Münchenbuchsee près de Berne; il était le fils de Hans Wilhelm Klee (1849–1940), professeur de musique originaire d’Allemagne, et d’Ida Frick (1855–1921), chanteuse et pianiste. Bien que Hans Klee soit toujours employé à l’école normale de Hofwil, la famille déménagea pour Berne. C’est dans cet environnement musical que Klee grandit, avec sa soeur Mathilde (1876–1953), de trois ans son aînée. À partir de 1880, la famille Klee habita d’abord Aarbergergasse, puis aux numéros 32 et 26 de l’Hallerstrasse, dans le quartier de la Länggasse, et de 1889 à 1897 Marienstrasse 8, dans le quartier de Kirchenfeld. En 1897, elle fit l’acquisition d’une maison mitoyenne neuve, Obstbergweg 6, qui fut le point de ralliement de la famille pendant de nombreuses années. À partir de 1899, la mère de Klee, paralysée, n’était plus en mesure d’exercer son métier. Alors que, cette année-là, Klee commençait ses études artistiques à Munich, Mathilde resta célibataire et s’occupa de leur mère jusqu’à la mort de celle-ci. Klee épousa en septembre 1906 la pianiste Lily Stumpf, dont il avait déjà fait la connaissance sept ans plus tôt à Munich, et c’est là qu’il emménagea avec elle. Pendant les années qui suivirent, il passa régulièrement les vacances d’été dans la maison paternelle avec sa femme et son fils Felix (1907–1990).

Collectionneurs bernois 
À Berne se trouvent les premiers collectionneurs de Klee, et probablement les plus fidèles. On compte parmi eux Hanni Bürgi (1880–1938), l’épouse de l’entrepreneur Alfred Bürgi. Elle se consacra, en dehors de sa famille, à la musique, à la littérature et aux arts plastiques. Klee fit sa connaissance parce qu’elle prenait des cours de chant avec son père; ils se lièrent alors d’une amitié qui dura toujours. Bien que critiquée par sa famille, elle entretint sa passion et continua de collectionner après la mort précoce de son mari. En tout, elle acquit une cinquantaine d’ œuvres de Klee et fut par ailleurs une figure engagée de la scène artistique bernoise. Son fils Rolf (1906–1967) poursuivit cette activité de collectionneur et défendit également les intérêts de Klee sur le plan juridique. Lorsque il rentra à Berne en 1933, le couple Klee ne tarda pas à être accueilli dans le cercle d’amis et de connaissances d’Hanni Bürgi.
Dès 1914, Hermann Rupf (1880–1962), mercier et critique d’art, et sa femme Margrit (1887–1961) firent l’acquisition d’un premier groupe d’ œuvres de Klee comprenant trois dessins. Dans les années qui suivirent, Rupf acheta régulièrement d’autres  œuvres chez Klee. Hermann et Margrit Rupf devinrent des personnes de confiance pour Klee durant son exil bernois, période où l’artiste était très isolé en Suisse. Rolf Bürgi et Hermann Rupf conseillèrent conjointement Lily Klee après la mort de son mari. À la mort de Lily, en 1946, Hermann Rupf et Rolf Bürgi fondèrent la Klee-Gesellschaft (Société Klee), dont naquit, un an plus tard, la Paul-Klee-Stiftung (Fondation Klee). En 1954, le couple de collectionneurs créa la Fondation Hermann et Margrit Rupf, qui compte quelque 300  œuvres importantes de la modernité classique, dont 17 de Klee.

Expositions bernoises
En 1910, Klee présenta pour la première fois ses  œuvres dans le cadre d’une exposition. 56 de ses travaux furent montrés au Kunstmuseum de Berne. L’exposition partit ensuite pour Zurich, Winterthur puis Bâle. Dans la presse, les réactions étaient très réservées ou bien témoignaient d’incompréhension vis-à-vis de la création de Klee. La Kunsthalle de Berne organisa en tout huit expositions consacrées à Klee. À propos de l’exposition de 1921, Hermann Rupf écrivit dans le Berner Tagwacht: «Inutile cette fois encore d’énumérer toutes les fabuleuses qualités de son immense talent, car Klee fait pour ainsi dire partie de nous, Bernois, et nous aurons très certainement encore souvent l’occasion de nous prononcer sur ses  œuvres.» C’est à nouveau dans la Kunsthalle de Berne qu’en 1931 furent exposées 108  œuvres appartenant, pour l’essentiel, à d’importants collectionneurs bernois comme Hanni Bürgi, Hermann Rupf ou Victor Surbek. En 1935, Klee présenta à la Kunsthalle plus de 270  œuvres, en insistant sur la création des cinq dernières années. En dehors des oeuvres de Klee, on put aussi voir à cette occasion des statuettes de son ami d’enfance Hermann Haller. Fin 1940, la Kunsthalle de Berne organisa la première exposition commémorative de Paul Klee en montrant 233 oeuvres provenant de sa succession.

Amis bernois de Klee
Klee n’est lié à aucun lieu aussi fortement qu’à Berne pour ce qui est des amis de longue date. Après ses années d’études à Munich et le voyage en Italie qui suivit, Klee, en 1902, retrouva à Berne ses camarades de classe Hans Bloesch, Fritz Lotmar et Louis Moillet. Entretemps, Fritz Lotmar (1878–1964) avait fait des études de médecine et était un interlocuteur compétent lorsqu’ils discutaient art, littérature et philosophie. Ils faisaient de la musique ensemble dans un quatuor à cordes. Lotmar s’occupa aussi de Klee à partir de 1935, lorsque celui-ci était gravement malade.
Hans Bloesch (1878–1945), qui devint bibliothécaire puis directeur des bibliothèques municipale et universitaire de Berne, était lié à Klee depuis les années passées ensemble au lycée; l’année où ils terminèrent leur formation, les deux élèves publièrent un journal satirique, Die Wanze (la punaise). Plus tard, ils travaillèrent de nouveau ensemble sur deux projets de livres; Klee y contribua en fournissant les illustrations, tandis que Bloesch s’occupait du texte: entre 1902 et 1905, ils réalisèrent Das Buch (le livre), qui comportait des poèmes de Bloesch et des illustrations grotesques de Klee. Dans leur poème épique de 1908, Der Musterbürger (le citoyen modèle), ils taquinent les fonctionnaires bernois de la confédération. Entre 1902 et 1906, Bloesch fut rédacteur à la revue bernoise Berner Fremdenblatt, pour laquelle Klee faisait la critique de concerts et de représentations théâtrales. Entre 1910 et 1913, Bloesch s’occupa en plus de la revue Die Alpen (les alpes). Klee y contribua en écrivant des comptes rendus sur des expositions munichoises.
Klee était particulièrement lié à son camarade de classe Louis Moilliet (1880–1962), car celui-ci était également devenu peintre: l’artiste s’était formé à Worpswede, Düsseldorf et Weimar. En 1903, les amis se retrouvèrent à Berne et travaillèrent ensemble; ils fréquentaient des cours d’anatomie et firent un voyage à Paris. Bien que très différents sur le plan artistique, ils entreprirent en 1914, avec August Macke, le célèbre voyage en Tunisie.
Marguerite Frey-Surbek (1886–1981) fut l’une des premières élèves de Klee. À partir de 1904, il lui donna des cours particuliers toutes les semaines pendant deux ans. Quand en 1906 il découvrit des  œuvres d’elle dans une exposition au Kunstmuseum de Berne, il fut très étonné et déclara: «Elle prend des cours de peinture et c’est moi qui les lui donne ! C’est inouï, parce que je ne sais pas faire ça. Mais je m’y connais !!!» Klee lui-même lutta encore quelques années avec la couleur, alors qu’il obtenait déjà des résultats – même valables pour lui – avec le dessin.
Petra Petitpierre (1905–1959), née à Zurich, fit ses études au Bauhaus de Dessau dès 1929 dans les classes de Josef Albers et Vassily Kandinsky. L’année suivante, elle passa dans la classe de peinture libre de Klee et le suivit à l’Académie des Beaux-arts de Düsseldorf en 1931. En 1934, elle épousa l’architecte Hugo Petitpierre et partit pour Morat. Il ne lui restait que peu de temps à consacrer à son activité artistique. Elle ne reprit son travail qu’après une nouvelle rencontre avec Klee en 1937. Après la mort de l’artiste, elle restaura bon nombre de ses oeuvres et apporta son aide dans l’entretien de la succession.

L’atelier de Klee au Kistlerweg 6
Suite à la prise de pouvoir des nationaux-socialistes, Klee fut suspendu de ses fonctions d’enseignant à Düsseldorf en 1933. À la fin du mois de décembre de la même année, Paul et Lily Klee émigrèrent à Berne. Ils vécurent quelque temps dans la maison familiale de Klee, Obstbergweg, puis dans une mansarde au Kollerweg 6. À partir de juin 1934 seulement, ils purent emménager dans un trois-pièces au Kistlerweg 6. Klee installa son atelier dans le séjour de ce modeste appartement. C’est là qu’il créa ses  œuvres tardives, un ensemble impressionnant comprenant près de 3’000 travaux. L’appartement fut conservé dans son état original jusqu’en 2005 et fut ensuite soigneusement rénové. Suivant l’initiative d’Osamu Okuda et de Walther Fuchs, les fenêtres, l’encadrement des portes ainsi que les ferrures du séjour furent consolidés pour être intégrés à la reconstruction de l’atelier, tel qu’il était à l’origine.

Retentissement de Klee (du 15/09/15–12/01/16) 
Klee n’exerça pas seulement une influence sur d’autres créateurs pendant ses longues années d’enseignement au Bauhaus de Weimar et de Dessau, et à l’Académie des Beaux-arts de Düsseldorf. À Berne aussi, il y eut toujours beaucoup d’artistes qui s’intéressèrent à son  œuvre.
Le peintre et poète Otto Nebel (1892–1971), né à Berlin, fit partie du cercle gravitant autour de la Galerie berlinoise Der Sturm d’Herwarth Walden, à partir du milieu des années 1910. C’est par l’intermédiaire de sa femme, assistante au Bauhaus, et suite à un séjour dans l’école qu’il fit la connaissance des maîtres du Bauhaus Kandinsky, Muche et Klee. Après avoir émigré en Suisse en 1933, Nebel séjourna à Berne à partir de 1935 et entretint d’intenses contacts avec Klee. Lui et sa femme soutinrent les Klee, notamment dans la recherche d’un appartement.
Chez ses parents, Bruno Wurster (1939–2003) entendit très tôt parler de musique, d’arts plastiques et en particulier de l’ œuvre de Klee. La famille de Wurster était amie avec celle de Felix Klee, et de ce fait Bruno Wurster devint un compagnon de jeux d’Alexander Klee (né en 1940), le fils de Felix. Par certains côtés, les  œuvres des débuts de Wurster montrent qu’il s’est intéressé à l’ œuvre de Klee. Plus tard, il évolua de plus en plus pour donner forme à une  œuvre personnelle dans laquelle il se confronte à l’art abstrait et aux artistes de son époque.
Peter Somm (né en 1940) fit des études de médecine entre 1958 et 1965 et exerça comme anesthésiste jusqu’en 1999. Il commença tôt à acquérir, en autodidacte, les techniques de la peinture. Il était encore étudiant lorsqu’il s’intéressa à la création de Paul Klee et de Johannes Itten, puis, plus tard, à l’art concret.