Zentrum Paul Klee Berne Fondée par Maurice E. et Martha Müller et les héritiers de Paul Klee
Expositions 02/02—26/05/2013

Klee et Jawlensky - Une amitié d’artistes

Sans ses amis artistes, l’individualiste qu’était Paul Klee ne serait pas devenu le peintre hors norme que nous connaissons aujourd’hui. De ce point de vue, son amitié avec Alexej von Jawlensky fut d’une importance particulière.

Les deux artistes firent connaissance en 1912 à Munich, dans le cercle du Cavalier Bleu et chacun estimait très haut l’œuvre de l’autre. Jawlensky est l’artiste avec lequel Klee a échangé le plus d’œuvres. Bien qu’ils ne se soient rencontrés qu’une seule fois après 1925, Klee et Jawlensky continuent à s’offrir réciproquement des œuvres. Dans leur correspondance, chacun compatit au destin de l’autre.

Cette exposition présente pour la première fois des œuvres exceptionnelles d’Alexej von Jawlensky qui se trouvent au Zentrum Paul Klee. Transmises au ZPK par le biais de la donation Livia Klee, elles proviennent pour une part de la succession Paul Klee. D’autre part de prêts, des emprunts permanents auprès de collectionneurs privés, qui enrichissent les collections Klee de notre musée.

Débuts artistiques
Les premières années de création de Klee et de Jawlensky sont marquées par la formation artistique reçue à la fin du 19ème siècle ainsi que par la volonté de dépasser les schémas académiques. Le portrait et la représentation de la figure humaine occupent, en tant que genre classique en peinture, une place importante dans l’œuvre précoce des deux artistes. C’étaient souvent des êtres issus de leur entourage familial et intime qui posaient pour eux. Ceci confère un caractère personnel aux études de portraits réalisées par les deux peintres et traduit tout autant leur volonté d’exprimer leur subjectivité. Pour Jawlensky, la représentation de l’être d’humain et en particulier du visage est restée le thème dominant de sa production artistique. Chez Klee, en revanche, elle n’est qu’un motif parmi beaucoup d’autres.

Autoportrait
Les autoportraits sont l’occasion d’une représentation et d’une réflexion artistique sur soi-même. Tandis que l’autoportrait de Jawlensky (1912), déjà fort célèbre durant les années 1910, rayonne d’une conscience de soi et d’une présence forte, les autoportraits que Klee réalise à la même époque se caractérisent par leur distance et leur réserve. Dans quelques-uns d’entre eux, il se présente comme un artiste retiré du monde, absorbé dans ses pensées, qui fait naître son univers pictural d’un monde intérieur. Il fait ainsi sciemment référence à l’image véhiculée par la presse et par ses propres témoignages écrits.

Échange d’œuvres – Un signe d’amitié
Entre 1914 et 1935, les deux artistes s’offrirent 30 œuvres témoignant de leur amitié et de leur estime mutuelle (15 œuvres de Klee, 15 de Jawlensky). Cet échange, auquel la compagne de Jawlensky, l’artiste Marianne von Werefkin, a participé pendant un temps, a débuté avant que n’éclate la Première Guerre mondiale. Klee considérait ces œuvres comme «les cadeaux les plus précieux et les plus personnels» qui fussent.

La nature morte – une nouvelle conception
Jawlensky et Klee travaillèrent aussi à d’autres genres traditionnels comme la nature morte sur laquelle ils eurent plaisir à se livrer à des expérimentations picturales. Partant de l’exemple des impressionnistes ou de l’École de peinture de Dachau, les deux peintres cherchèrent à animer les motifs de leurs toiles. Ils utilisèrent des couleurs vives, des perspectives et des angles de vue inhabituels et optèrent pour une représentation dynamique des contours et des volumes. Après 1914, les deux artistes relèguent à l’arrière-plan le travail plastique sur la nature morte. Mais à l’occasion, Jawlensky peint encore quelques natures mortes avec fleurs; il semble alors faire une pause dans son travail presque exclusivement consacré au visage humain. Jusque dans ses œuvres tardives, Klee ne renonce pas non plus à ce genre, mais il le traite la plupart du temps avec une distance ironique.

Paysage
En ce qui concerne la peinture de paysage, on constate, en l’espace d’une bonne dizaine d’années, une transformation profonde dans la création des deux artistes. C’est durant son exil suisse à St. Prex et Ascona que Jawlensky se tourne vers l’abstraction en inaugurant la série des «Variations» exécutées pendant les années 1915 et 1916. Sous l’influence de la peinture de Robert Delaunay et de ses champs colorés, Klee parvient à 1914 que Jawlensky à des solutions abstraites qu’il transpose assez souvent en paysages imaginaires.

Architecture et espace
La représentation de l’architecture et de l’espace constitue un aspect central de la création de Klee, au sens propre comme au fi guré. Dans l’œuvre de Jawlensky, cette thématique ne joue un rôle qu’au sens abstrait d’une «architecture colorée» de l’image. Dans son œuvre, les représentations de l’architecture se limitent donc à quelques vues de villes, tandis que Klee, notamment lorsqu’il enseignait au Bauhaus, sondait la dimension plastique d’espaces réels et virtuels.

Têtes mystiques – Méditations
Jawlensky fi t de la représentation du visage humain une tâche artistique surpassant tout et il s’y consacra presque exclusivement à partir de 1916. En 1917, il créa les premières œuvres des séries intitulées «Têtes mystiques» et «Têtes christiques». Celles-ci se distinguent par une réduction du visage à de simples signes pour les yeux, le nez et la bouche, ainsi que pour les contours de la tête et du cou. Dès 1926, Jawlensky emprunta ce schéma pour développer ses «Têtes abstraites»: toujours vues de face, elles se présentent les yeux fermés et sous la forme héraldique d’un U. Souvent, à partir de 1934, la force de ses mains l’abandonne et il est obligé de s’aider de sa main gauche pour peindre. C’est dans ces conditions que naît, dès 1937, le groupe d’œuvres appelé «Méditations»; leur présence spirituelle rappelle les icônes byzantines.

Jeu des visages
Lorsque Klee représente le visage humain, son regard se nourrit de l’intérêt qu’il porte aux multiples caractéristiques d’une physionomie. Il puise dans un immense réservoir de formes et aborde ses visages imaginaires – qu’il interprète souvent avec ironie – de manière ludique et associative. Contrairement à lui, Jawlensky crée ses têtes à partir d’un fonds de formes rigoureusement réduit, mais d’autant plus riche sur le plan de la couleur.